
Voilà un livre qui a une histoire, ce qui le rend d’autant plus cher à mes yeux. Il a été lu par ma grand-mère, puis par ma mère, pour arriver finalement entre mes mains, et j’ai adoré parcourir ces lignes sur lesquelles elles s’étaient attardées avant moi, tourner ces pages porteuses de transmission familiale.
« Ambre avait l’impression de ses retrouver chez elle et, au premier coup d’œil, comme elle était tombée amoureuse de lord Carlton, elle tomba amoureuse de Londres. Cette vie intense, violente, énergique répondait à ses aspirations les plus profondes et les plus vives. Cette ville était un défi, une provocation. Elle osait tout, et promettait plus encore. Instinctivement – comme tout bon Londonien – elle sentit qu’elle avait vu tout ce qu’il y avait à voir. Nulle ville au monde ne pourrait soutenir la comparaison. »
1644, la jeune Judith est profondément éprise de son voisin, John Mainwaring, auquel elle est fiancée depuis l’enfance. Mais la guerre civile éclate, et les deux familles choisissent des camps opposés, ruinant tout espoir de mariage entre les jeunes gens. Ils décident alors de s’enfuir à la campagne sous un faux nom. Le sort s’acharne, puisque John disparait à la guerre, et Judith meurt en couches après avoir donné naissance à une petite fille. Ce sera Ambre, qui grandit sans le savoir comme une fille de basse extraction, élevée par un couple de paysans, alors qu’elle était destinée à la plus haute noblesse. Seize années ont passé, et un groupe de cavaliers fait irruption dans le village où Ambre a été élevée. Immédiatement elle tombe folle amoureuse de l’un d’entre eux, qui accepte avec réticence de l’emmener avec lui à Londres, ville aux mille promesses pour une jeune fille ambitieuse que la vie à la campagne étouffe. Mais les ennuis commencent : elle tombe enceinte, il l’abandonne, et elle devient alors l’une de ces filles perdues, condamnées à l’infortune. C’est bien mal connaître Ambre, qui a des ressources insoupçonnées. Elle décide de se servir de ses charmes pour assurer son ascension sociale. Les épreuves sont nombreuses mais sa beauté indescriptible, et Ambre avance dans la vie avec une détermination sans failles, sans jamais pourtant oublier son premier amour…
« Mon Dieu ! Depuis quand l’amour a-t-il quelque chose à voir dans le mariage ? Vous épousez celui qui convient et, si vous pouvez vous supporter l’un l’autre, eh bien ! ce n’en est que mieux. Sinon !… »
La suite du récit n’est qu’une longue série de rebondissements plus romanesques les uns que les autres, à mesure qu’Ambre essuie les échecs et accumule les succès. L’héroïne est complexe, et c’est précisément pour cela qu’on l’aime. Elle impressionne par sa force de caractère, sa vivacité d’esprit et sa résilience ; elle émeut par son refus de renoncer au grand amour, quoi qu’il lui en coûte ; et dans le même temps elle ne manque pas d’agacer par son égoïsme et son opportunisme. Une chose est sûre, je suis allée de surprise en surprise, et j’étais subjuguée par l’accumulation de péripéties, me demandant quel sort serait réservé à cette pétulante héroïne. Pourtant le début m’a fait craindre un abandon tant il semblait présager un roman à l’eau de rose insipide. Je suis ravie d’avoir poursuivi ma lecture, puisqu’il s’est avéré qu’il s’agissait en réalité bien davantage d’un roman historique, mêlant une histoire d’amour aux complots politiques et aux ambitions des courtisanes. Aux côtés d’Ambre, nous traversons des épisodes marquants de l’histoire de l’Angleterre sous le règne de Charles II : guerre civile, restauration des Stuart, épidémie de peste, Grand incendie de Londres, invasion hollandaise, politique coloniale et tensions avec le Parlement… Nous pénétrons dans l’intimité de la cour royale, dans laquelle Ambre désespère d’avoir un jour ses entrées, rêvant aux plaisirs qu’offre la vie au palais de Whitehall. Toute la question est de savoir si la petite paysanne aux yeux d’or parviendra à s’y hisser, et si cette place au soleil est réellement la source de bonheur qu’elle attend.
« La vérité, madame, c’est que l’amour n’est qu’un joli mot – comme l’honneur – dont les gens se servent pour courir leurs véritables intentions. Mais le monde est devenu trop vieux et trop sage pour des joujoux aussi enfantins ; grâce à Dieu, nous n’avons plus besoin de nous décevoir nous-mêmes. »
J’ai adoré ce roman, et je ne peux que regretter qu’il ne soit plus édité en France. Une fois entrainée sur les traces d’Ambre, je n’ai plus pu lâcher ma lecture tant il me tardait de connaître la suite de cette aventure extraordinaire, à mi chemin entre les romans d’Alexandre Dumas et de Margaret Mitchell. La romancière ne laisse aucune place à l’ennui, et l’intrigue se déroule tambour battant jusqu’à une fin surprenante, déconcertante, et par là-même parfaite !
Ma note (5 / 5)
Éditions du Pavois, traduit par Edith Vincent, 1946, 812 pages
J’avais 15 ans quand je l’ai lu , un éblouissement, j’ai fait un long devoir en français en seconde ( j’ai donné envie de le lire à ma prof …..) je l’ai lu et relu , et relu , j’ouvre encore n’importe quelle page et me voilà rajeunie …. je l’ai retrouvé 2 fois dans une boîte à livres et croyez moi , je les ai rapportés chez moi …. mon passage préféré c’est l’épidémie de peste .. quel roman !!!! Je crois que cette découverte de l’Angleterre m’a donné envie de lire tout ce qui évoque l’histoire de ce pays … j’ai 75 ans …
Je possède toujours ce roman que j’ai lu et adoré ! Comme Eugénie le passage que j’ai préférée également et qui est intéressant c’est l’épidémie de peste…. ça m’a marqué !