Armance – Stendhal

« En me promettant à moi-même de ne jamais aimer, je m’étais imposé une tâche au-dessus des forces de l’humanité ; aussi ai-je été constamment malheureux. »

Octave est un jeune homme de vingt ans, désoeuvré et tourmenté dans sa détestation de l’âme humaine. Seule une personne trouve grâce à ses yeux : sa cousine Armance, une orpheline russe devenue la protégée de la marquise de Bonnivet. Alors qu’une fortune inespérée le rend plus attrayant aux yeux du beau monde fréquentant les salons parisiens, Octave n’a que mépris pour les apparences et le pouvoir de l’argent, et d’autant plus d’estime pour Armance, sensible à la noblesse de coeur et que les ors indiffèrent. Mais Octave s’est juré de ne jamais succomber à un sentiment aussi trivial que l’amour, aussi se dupe-t-il en glorifiant cette unique amitié désintéressée, tandis qu’Armance, bien plus lucide sur son propre coeur, s’est quant à elle promis de ne jamais l’épouser pour ne pas tâcher de son infortune le nom chéri d’Octave. Oui, voilà des jeunes gens bien compliqués, et la suite du récit ne sera qu’un lent cheminement, entre hésitations et désespoir, faux orgueil et pudeur. Surtout, pour proches qu’ils pensent être, Octave et Armance sont déterminés à réfréner leurs passions et à garder leurs secrets, ce qui semble devoir mener à une inévitable tragédie.

« On eût dit que ses passions avaient leur source ailleurs et ne s’appuyaient sur rien de ce qui existe ici-bas. Il n’y avait pas jusqu’à la physionomie si noble d’Octave qui n’alarmât sa mère ; ses yeux si beaux et si tendres qui donnaient de la terreur. Ils semblaient quelquefois regarder au ciel et réfléchir le bonheur qu’ils y voyaient. Un instant après, on y lisait les tourments de l’enfer. »

Sans doute Armance comporte-t-il quelques maladresses inhérentes à un premier roman, mais je lui ai pourtant trouvé énormément de charme, bien que je ne sois pas particulièrement fervente des romans de Stendhal. La plume est incroyablement belle, et si les tergiversations amoureuses d’Octave et d’Armance paraissent bien obscures pour un lecteur contemporain, l’auteur prend un temps infini pour décrire les sentiments de l’un et de l’autre avec une délicatesse admirable. Si Armance est bouleversante pour sa pureté d’âme et son sens du sacrifice, Octave est un personnage bien plus intéressant car bien plus complexe et insaisissable. Son terrible secret ne sera jamais réellement dévoilé, bien qu’il se laisse deviner au lecteur à la toute fin du roman, éclairant d’un jour nouveau la misanthropie et la mélancolie de ce héros romantique par excellence. C’est par ailleurs un tableau sans concession de la haute société parisienne de l’époque de la Restauration, entre manipulations, faux-semblants, cupidité, et jeux de pouvoir destinés à remplir le grand néant de la vie mondaine.

« Ne dit-on pas que le mariage est le tombeau de l’amour, qu’il peut y avoir des mariages agréables, mais qu’il n’en est aucun de délicieux ? »

Un petit roman shakespearien, tragique et sublime, petit chef d’oeuvre méconnu de l’amour contrarié.

Ma note 4 out of 5 stars (4 / 5)

Éditions Folio, 13 septembre 1975, 320 pages

Un commentaire sur “Armance – Stendhal

  1. De cet auteur, je n’ai lu que « Le rouge et le noir » dont je me souviens peu et qu’il faudrait que je relise. En ce qui concerne « Armance », je me le note car ça pourrait bien me plaire 🙂
    Bonne journée !

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