
« La nuit se tenait immobile, figée, sans le moindre soupçon de brise, et le paysage se revêtait d’une austère sévérité. On avait l’impression qu’un grondement sourd, dans le sol, répondait au crissement du gel qui resserrait la neige partout sur l’étendue. Il n’y avait pas de lune. »
Je lis très peu, jamais à vrai dire, de littérature japonaise. Ce roman m’a attirée par son évocation hivernale, et l’immense poésie qui semblait en émaner.
Dès les premières lignes nous sommes saisis par le froid de ce Pays de neige vers lequel se dirige Shimamura, homme riche et oisif, délaissant Tokyo, femme et enfants pour se ressourcer dans une petite station thermale nichée au coeur des montagnes. Dans le train, il est séduit par le reflet d’une jeune femme dans la vitre, l’éclat de son regard et son empressement presque maternel à prendre soin du malade qu’elle accompagne. Mais c’est une autre femme qu’il rejoint : une geisha nommée Komako, à la chevelure d’un noir profond et au sourire énigmatique. Tout en elle le séduit, et par trois fois il retournera dans ce village isolé pour la retrouver.
« Telle une aurore infinie, la Voie lactée l’inondait tout entier avant d’aller se perdre aux derniers confins du monde. Et cette froide sérénité courut en lui comme un frisson, comme une onde voluptueuse, qui le laissa tout ensemble étonné et émerveillé. »
Toux deux entretiennent une relation étrange, faite d’intimité et de distance, de politesse et de retenue, de rituels. Si Komako se donne corps et âme, le moins que l’on puisse dire c’est que son amour est peu payé de retour. Les sentiments du héros sont en effet difficiles à percer, tant l’auteur préfère éluder par de longues descriptions des montagnes enneigées, des traditions locales, ou encore des traits et des habits qui parent Komako. Shimamura parait égocentrique, détaché de tout, désoeuvré, ne mesurant pas parfois sa cruauté. Son intérêt pour Komako s’estompe par ailleurs bien vite lorsqu’apparaît la femme du train, Yôko, dont le mystère et le charme le séduisent tout autant.
« Le regard de Shimamura s’était porté vers elle, mais d’un geste immédiat, il reposa sa tête sur l’oreiller : ce banc qui habitait les profondeurs du miroir, c’était la neige, au coeur de laquelle se piquait le carmin brillant des joues de la jeune femme. La beauté de ce contraste était d’une pureté ineffable, d’une intensité à peine soutenable tant elle était aiguisée, vIvante. »
Tout est très contemplatif et mélancolique, et on ne peut manquer de penser que quelque chose nous échappe. C’est le roman de la lenteur, de la pudeur et de la sensualité. Si j’ai apprécié la poésie et la délicatesse de la plume, j’avoue avoir peiné à y voir, comme annoncé, une quelconque histoire d’amour, ni même véritablement d’intrigue. Les saisons se succèdent sans qu’il ne se passe grand chose, les conversations paraissent creuses et vaines. Ces personnages ne semblent exister que pour donner du relief à la blancheur immaculée de la nature environnante et aux coutumes ancestrales japonaises en voie de disparition.
Ma note (3 / 5)
Éditions Livre de Poche, traduit par Bunkichi Fujimori, 24 novembre 1982, 192 pages
Tout comme toi je lis très peu de littérature japonaise ! parfois le style est un peu complexe pour que l’on entre véritablement dans l’intrigue.
Si tu ne connais pas, je te conseille l’autrice Yôko Ogawa notamment avec « La formule préférée du professeur » lu il y a longtemps et que j’avais emprunté. Je souhaite le relire un jour car je me souviens avoir beaucoup aimé.
Bonne journée !