Au-delà de la mer – Paul Lynch

« Elle persiste, cette impression de rêve. La sensation d’un monde qu’il aurait connu et puis oublié, un appel venu des lointains de la mer. »

Bolivar, un pêcheur sud-américain, décide de sortir en mer malgré les avertissements de son entourage sur la tempête qui approche. Ne parvenant pas à contacter son acolyte habituel, il se résout à emmener avec lui un jeune garçon réticent et néophyte en matière de pêche. Ils s’éloignent des côtes pour rejoindre la haute mer, plus riche en poissons, et les événements dérapent rapidement : la tempête éclate, ruinant le moteur et la radio, faisant dangereusement monter l’eau dans le bateau et ballotant inexorablement ses passagers. Lorsqu’enfin elle se termine Bolivar doit se rendre à l’évidence : les voilà perdus dans l’immensité de l’océan Pacifique. Commence alors un tête-à-tête oppressant entre les deux hommes que tout oppose, entre le vieux pêcheur bourru et déterminé, et l’adolescent terrorisé.

« Ici, pour la première fois de sa vie, tout s’est détaché de lui. Le fardeau que l’on porte dans son coeur. Le désir d’une femme incrusté dans le corps. La souffrance et les tracas de l’existence. »

On retrouve dans ce roman toute la virtuosité de la plume de Paul Lynch, splendide de poésie et de finesse. Les jours passent à mesurent que l’espoir d’un sauvetage imminent s’amenuise, et que la nécessité de faire preuve d’ingéniosité pour survivre s’impose. Les deux hommes doivent cohabiter malgré le mépris réciproque qu’ils se vouent, unis dans cette lutte contre les éléments et contre la faiblesse de leur propre corps.  L’influence des existentialistes se fait sentir, à mesure que ce huis-clos insoutenable vire à l’exploration de l’âme humaine, chacun des deux passagers de cette barque en perdition se révélant bien différent de ce qu’il semblait être. Bolivar et Hector, chacun à leur façon, se voient contraints d’affronter rêves et cauchemars, de plonger dans leurs souvenirs, revisitant leur passé, haïssant leur présent, redoutant l’avenir, s’interrogeant sur leur condition humaine, isolés de toute société et confronté à cet autre avec lequel il faut composer pour survivre. Opposant leurs réflexions sur la foi, la rédemption, l’espoir, et l’amitié, tous deux réagissent de manière radicalement opposée face à l’adversité, Bolivar résilient, Hector au désespoir.  À noter enfin, bien que ce soit loin d’être le thème du livre, l’omniprésence de la pollution des mers qui rappelle que si l’Homme est bien petit face à l’océan, l’océan est quant à lui bien ravagé par l’Homme.

« La paix qui s’installe entre eux est aussi une forme de compréhension mutuelle. Chacun commence à entrevoir la vérité de l’autre, à deviner qu’ils sont tous les deux pareillement démunis au coeur de la vérité des choses. Et qu’au coeur d’une telle immensité, ce qu’un homme porte en son coeur n’a plus guère de poids. »

J’ai été désarçonnée par ce nouveau roman de Paul Lynch, même si finalement on y retrouve des thème déjà présents dans les trois précédents : la résilience, la survie, la vie, la mort, l’espoir… Mais celui-ci, qui glisse du romanesque vers la fable, m’a moins touchée. Le récit est assez répétitif, les réflexions philosophiques des personnages semblent quelque peu abstraites, et je me suis bien davantage laissée porter par la poésie de l’auteur que par l’émotion.

Ma note 3.5 out of 5 stars (3,5 / 5)

Éditions Albin Michel, traduit par Marina Boraso, 18 août 2021, 240 pages

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