Le roman du mariage – Jeffrey Eugenides

Je n’avais pas été plus séduite que cela par Virgin Suicides, le premier roman de Jeffrey Eugenides. Ma lecture avait été bien trop hantée par le film de Sofia Coppola pour me faire un avis réellement objectif. J’ai donc récidivé avec la plume du romancier américain en découvrant Le roman du mariage, dont les critiques sont généralement assez dithyrambiques.

L’histoire est celle somme toute banale d’un triangle amoureux. Mais ici elle s’inscrit dans cette période incertaine de quête de sens et d’avenir, cette plongée dans la vie adulte redoutée où chaque choix semble décisif. Tout commence dans les années 80 sur le campus de Brown : Madeleine est amoureuse de Leonard, un jeune homme brillant mais instable, imprévisible, et qui se révèle maniaco-dépressif. Alors qu’elle s’interroge sur son avenir ainsi que celui de leur relation, Mitchell, avec qui la vie serait plus simple mais qui ne l’attire pas vraiment, espère toujours qu’elle lui donnera sa chance. À mesure que les mois, et les années passent, au gré de nombreux aller-retours dans le passé des personnages, Madeleine va être confrontée à un choix : doit-elle se marier par amour ou avec raison ?

« C’était la stupidité des gens beaux et heureux, de tous ceux qui obtenaient ce qu’ils voulaient dans la vie et en devenaient quelconques. »

J’ai beaucoup aimé la première moitié du roman, qui est facile à lire, intrigante, et dynamique puisque les narrateurs alternent, nous offrant les détails de leurs atermoiements et de leurs doutes. Mon intérêt était d’autant plus piqué par la passion de Madeleine pour la littérature de la Régence et de l’ère victorienne, et plus particulièrement le roman dit matrimonial. J’ai adoré la façon dont cet aspect est intégré dans ses réflexions amoureuses. En cela le roman est, du moins au début, assez érudit, offrant un panorama allant de Jane Austen à Henry James, de Jacques Derrida à Roland Barthes. Passionnant donc, jusqu’à la seconde partie du roman où j’ai trouvé que le souffle retombait assez brusquement.

« Il n’y a pas de bonheur en amour, sauf à la fin d’un roman anglais. »

En effet les personnages, dont la complexité, ainsi que le mystère entourant Léonard, aiguillonnaient l’intrigue, deviennent de plus en plus plats et ont fini par m’agacer. L’histoire tourne en rond, tout comme Madeleine. Entre ses doutes, la maladie mentale de Léonard, incroyablement bien décrite mais dont on se demande au bout d’un moment ce qu’elle apporte réellement à la réflexion, et les pérégrinations spirituelles de Mitchell en Inde, l’auteur m’a perdue. Il m’a semblé que le roman trainait un peu trop en longueur sur la fin, j’avais hâte que l’histoire se prononce dans un sens ou dans un autre, et finalement le fil narratif devient bien trop prévisible. L’intrigue s’amincit au point de n’être qu’une triviale question de choix entre l’un et l’autre des garçons, quelle déception… C’est dommage parce que se profilait une analyse assez fine et représentative des méandres de la jeunesse, avant que le propos ne perde en finesse, que les références littéraires disparaissent, et qu’on finisse par tomber dans les clichés et la morale bien pensante. Surtout, la proposition qui semblait être faite au début du roman par l’auteur, de revisiter le roman matrimonial à l’ère de la fin du XXe siècle, alors que les libertés sont plus grandes, tout comme leurs complications inhérentes, finit par être diluée et oubliée. Une lecture en demi-teinte donc…

Ma note 3 out of 5 stars (3 / 5)

Éditions Points, traduit par Olivier Deparis, 6 mars 2014, 576 pages

Un commentaire sur “Le roman du mariage – Jeffrey Eugenides

  1. Je ne connaissais pas du tout ce roman. J’aimerais dans un premier temps découvrir Virgin Suicides, mais pourquoi pas tenter celui-ci ensuite. A voir donc ! En tout cas, c’est une très jolie chronique, elle me pousse un peu à découvrir l’œuvre pour me faire mon propre avis dessus : le résumé de l’histoire m’intrigue.

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