Avec toutes mes sympathies – Olivia de Lamberterie

Cela faisait quelques temps que mes lectures trainaient, l’envie me manquait, accaparée par les soucis du quotidien et ce passage toujours délicat d’une année à l’autre, temps forcé des bilans en tout genre, où l’on se souhaite mille choses du bout des lèvres sans trop savoir parfois quelle direction prend vraiment notre existence. Avec toutes mes sympathies a été un incontournable de la rentrée littéraire 2018, que je ne découvre pourtant qu’aujourd’hui. En cause mon refus récurrent (snobisme ?) à lire les mêmes livres que tout le monde, en même temps que tout le monde, sentiment largement exacerbé par les réseaux sociaux aujourd’hui. Je m’y suis donc plongée avec un an et demi de retard, déterminée à sortir de ma panne de lecture avec une valeur sure, tentant de ne pas être découragée par le thème abordé, l’idée du deuil impossible, de ce plomb injecté dans un quotidien qui peine à occulter la tristesse, et que je craignais de trop bien comprendre. Comme le souligne l’auteure, il y a effectivement deux catégories de personnes : celles qui savent, et les autres.

En refermant ces pages, je me suis demandé s’il ne devrait pas être inconcevable, impudique même, qu’un livre puisé dans une telle détresse fasse autant de bien à celui qui le lit. Mais, bien que ce raccourci puisse paraître d’une banalité affligeante, n’est-ce pas aussi le rôle de la lecture que de poser des mots sur les maux ? Lire permet aussi de toucher une vérité grâce à d’autres yeux, et de trouver peut-être un réconfort dans ce qui peut faire écho à notre propre méandres de pensées et d’émotions. Olivia de Lamberterie raconte la difficulté à poursuivre sa vie alors que son frère a cessé la sienne, à se replonger dans la même routine que ce terrible « avant », alors que le sens de tout a été modifié. Elle met des mots sur les quelques semaines qui ont précédé le suicide, celles où tout le monde espérait encore que tout irait bien, ou en tout cas mieux ; ainsi que sur celles qui l’ont suivi, où les questions innombrables se disputent à l’insondable tristesse. Existe-t-il une réponse à son « pourquoi » ? Un gène du suicide ? Un trait de caractère existant dès la naissance ? Une fausse route à un moment clé de l’existence ?

L’immense force de ce livre, et la raison pour laquelle il est impossible de s’en détacher, est qu’il conserve, malgré tout, une certaine légèreté, un certain humour, et surtout une grande tendresse. L’auteure dessine les contours de son enfance, raconte sa famille, cette smala immense et si hétéroclite, ces liens incroyables qui se tissent entre les êtres. Mais aussi l’omniprésence de la littérature et des mots des autres, au gré de souvenirs de lectures, d’anecdotes et d’interviews. Et elle met en lumière aussi ces « invisibles », ces fous, ces dépressifs, ces malheureux, qui hantent les cliniques psychiatriques et qui sont oubliés de tous, proposant des réflexions poignantes sur notre rapport à la vie.

Je rejoins donc tous ceux qui avant moi ont été immensément touchés par ce magnifique livre, cet hommage bouleversant et paradoxalement incroyablement vivant.

Ma note 4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)

 

 

 

Éditions Livre de Poche, 28 août 2019, 288 pages

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