
Résumé :
Lydia Lee, seize ans, est morte. Mais sa famille l’ignore encore… Sa mère, Marylin, femme au foyer, rêve que sa fille fasse les études de médecine qu’elle n’a pas pu accomplir. Son père, James, professeur d’université d’origine chinoise, a tant souffert de sa différence qu’il a hâte de la retrouver parfaitement intégrée sur le campus. Mais le corps de Lydia gît au fond d’un lac. Accident, meurtre ou suicide ? Lorsque l’adolescente est retrouvée, la famille Lee, en apparence si soudée, va devoir affronter ses secrets les mieux gardés.
« Les souvenirs d’un être aimé se lissent et se simplifient toujours, et on se débarrasse des complexités comme d’écailles. »
Mon avis :
Céleste Ng nous transporte dans ce livre au coeur d’une famille, qui, on s’en aperçoit assez vite, n’est que la somme des personnalités et des sentiments de chacun de ses membres. Dès la première ligne, on sait que Lydia, la cadette, est morte le matin même, le 3 mai 1977. Et les circonstances exactes du drame importent finalement moins que tout l’enchainement des événements, depuis la naissance même de ses parents, qui ont mené à ce moment précis. Au début, le récit suit le rythme ronronnant de la vie de famille, et très vite les aspérités surviennent. L’auteur, un peu à la manière de Laura Kasischke, est très douée pour pointer du doigts les failles dans cette famille en apparence sans histoire.
« Ce qui s’était passé était trop considérable pour qu’ils en parlent. C’était comme un paysage qu’ils ne pouvaient pas voir dans son ensemble; c’était comme le ciel nocturne, qui tournait et tournait si bien qu’on n’en distinguait jamais les limites. »
Comment ceux qui sont censés nous connaître le mieux, nous comprendre sans détours, et nous aimer sans conditions, peuvent-ils se tromper à ce point ?
Le lecteur est tout à tour plongé dans les pensées et les émotions de chacun des membres de la famille, et on comprend les incompréhensions, les non-dits, qui mènent tout droit au drame. Drame qui va révéler une famille dont les membres sont en façade extrêmement soudés, mais au sein de laquelle chacun est enfermé dans ses ressentis face à l’aveuglement des autres. Ils cohabitent sans jamais vraiment s’écouter, tant chacun est hanté par ses blessures personnelles. On est notamment frappé tout au long du livre par les oeillères des parents qui occultent tout de la vie de leurs enfants.
« La confirmation et la consolation dans un unique battement de paupières. »
Un aveuglement qui s’explique surtout par leur propre passé. La mère, Marilyn, s’est construite en opposition totale à sa propre mère qui aspirait à faire d’elle une parfaite femme au foyer. Rêvant de devenir médecin, Marilyn a vu son brillant destin foudroyé en plein vol lorsqu’elle est tombée enceinte. Le père, John, d’origine chinoise, a toujours eu honte de sa différence et de son incapacité à se fondre dans la masse, allant jusqu’à enseigner l’histoire américaine comme pour prouver qu’il est bien à sa place. Tout ceci à une époque, les années 1950 puis 1970, où l’intégration était loin d’être évidente, de même que le métissage, et où la place des femmes était encore souvent cantonnée à la maison. Le livre le rappelle, les universités commençaient à peine à accepter des étudiantes féminines dans leurs rangs.
Tous deux ont eu trois enfants : Lydia, écrasée par le poids des ambitions que ses parents font peser sur elle, Nath, l’ainé qui ressent tellement la déception qu’il inspire à son père à qui il renvoie, tel un miroir, ses propres difficultés d’enfance, et Hannah, la plus jeune, totalement invisible aux yeux de tous et qui tente de toutes ses forces de se fondre encore davantage dans le décor. Au fur et à mesure qu’avance le récit, et que s’écoulent les années, l’univers familial se fait plus suffocant, et la frustration des parents projetée sur Lydia se fait de plus en plus sentir. Leurs espoirs et leurs rancoeurs sont concentrés sur elle, et leur trop plein d’amour, si disproportionné par rapport à l’attention qu’ils consacrent à leurs autres enfants, est étouffant. Il a été décidé sans elle qu’elle devait hériter des rêves de ses parents.
« Vous aimiez si fort et espériez tant, et vous finissiez sans rien. »
Finalement j’ai ressenti une immense tristesse en lisant ce livre, en observant cette vie de famille qui va droit à la catastrophe. Tout aurait peut-être pu être rectifié avec plus de communication, avec moins d’attentes. Eux bien sûr ne s’en rendent pas compte, ou trop tard, mais le lecteur est bouleversé devant ces parents qui en demandent trop et qui ne perçoivent pas les douleurs de leurs enfants, et devant ces enfants qui ne connaissent rien du passé de leurs parents et qui malgré leurs efforts ont toujours l’impression de les décevoir, de ne pas être à la hauteur de leurs espérances. On retrouve encore une fois le thème, assez récurrent en littérature, du poids de la famille, et plus précisément de l’histoire familiale, sur les enfants. Comment se libérer d’un tel fardeau ?
Ma note (4 / 5)
Bonjour,
J’ai mis ce livre hier dans ma liste d’envie, je suis très curieuse.
Vous me direz ce que vous en avez pensé quand vous l’aurez lu ?
Oui, si j’y arrive 🙂 Depuis lors d’autres sont venus s’ajouter 😉