
Tout commence par une histoire. Celle d’un homme qui s’est détourné de la voie toute tracée de ses ancêtres, l’industrie, pour se lancer dans la finance. Très vite on l’admire pour son instinct, son génie boursier, sa propension à devancer les bons coups comme les crises. Il épouse une jeune aristocrate qui revient d’Europe, dont il est très épris, et ils forment un couple parfait, très courtisé, et philanthrope. Ils partagent tout, à commencer par leur goût pour la solitude et les arts. Il y a un peu de Fitzgerald, de Wharton et de James dans ce récit, et tout est décidément bien séduisant chez les puissants de ce monde. Mais les apparences ne sont-elles pas trompeuses ? L’histoire qui nous est racontée est-elle conforme à la réalité ? C’est ce que le lecteur devra découvrir le temps de quatre chapitres bien distincts, quatre voix et quatre styles.
Le roman, Prix Pulitzer 2023, aborde le monde de Wall Street, et en particulier les péripéties financières des années 20, au travers du personnage d’un magnat de la finance, dont les pratiques et surtout, la réussite inédite, soulèvent maintes interrogations. Dans un monde où les pertes alternent avec les gains, il est le seul à s’enrichir considérablement, sans accidents majeurs. Une telle personnalité fascine forcément, et déclenche toutes sortes de spéculations sur son « talent » ainsi que sur sa vie privée. Face à ces intrusions, il va tenter de maîtriser, toujours grâce au pouvoir et à l’argent, le story-telling, cherchant à ce que l’histoire soit racontée telle qu’il le souhaite. Dès lors où se trouve la vérité, et où commence la fiction ? Jouant sur le double sens de son titre, le roman explore également la notion de confiance, au travers des liens entre les différents personnages. Dans quelle mesure peut-on réellement faire confiance à son conjoint, à ses parents, à ses employés, à ses amis… mais aussi à celui qui vous raconte une histoire ? Que se passe-t-il lorsque cette confiance est rompue ?
Multipliant les perspectives, le récit perd le lecteur dans des histoires au sein de l’histoire, qui apportent une densité inédite au récit initial. Ode au pouvoir de la fiction, voilà un roman à la construction brillante, malgré quelques longueurs et redites. Après toute cette escalade de fausses pistes et de mensonges, le dénouement surprend et parachève ce roman ambitieux et original.
Éditions de l’Olivier, traduit par Nicolas Richard, 18 août 2023, 400 pages