
« À l’automne de 1960, alors que j’avais seize ans et que mon père était momentanément sans emploi, ma mère rencontra un homme du nom de Warren Miller et tomba amoureuse de lui. »
Joe vit avec ses parents à Great Falls, dans le Montana. Depuis l’été, des incendies ravagent les forêts des alentours. Son père, professeur de golf, perd son emploi et décide de rejoindre les rangs des volontaires partis combattre le feu. Furieuse, sa mère réplique en tombant amoureuse d’un client de son mari, sous les yeux de son fils ahuri. L’intrigue, s’apparentant à une banale crise conjugale, est extraordinairement mince, d’autant que l’histoire ne se déroule que sur trois jours. Mais ce qui singularise le récit, c’est d’être raconté par leur fils, notre narrateur, qui observe ses parents sans jamais trop opiner ou réagir, ce qui m’a un peu fait penser à Long week-end de Joyce Maynard.
« Parfois on se trompe rien que pour se prouver qu’on est bien en vie. »
Ces trois petits jours lui révélant les faiblesses de ses parents vont faire glisser Joe de l’enfance à l’âge adulte. On le sent extrêmement naïf sur les relations humaines en général, et amoureuses en particulier. Il pose plusieurs fois la même question à sa mère : aime-t-elle toujours son père ?, désarçonné qu’on puisse aimer deux personnes à la fois, ou bien quitter son époux alors qu’on l’aime encore. Brusquement, il entrevoit ce que veut dire aimer, mentir, sacrifier, souffrir, et il aperçoit les fêlures dans ce qui constituait pour lui un socle solide, sa famille. C’est l’apprentissage de la solitude et de la grande frustration de l’existence : on ne parviendra jamais à tout comprendre des autres.
« Il y en a, des mots, des mots qui veulent dire quelque chose, mais qu’on ne veut pas dire, des mots qui sont responsables de vies brisées, des mots qui voudraient réparer quelque chose de brisé, mais qui n’aurait jamais dû être brisé, quelque chose que personne ne voulait voir briser et que, de toute façon, ils n’arriveront pas à réparer. »
Le récit est dépouillé et l’atmosphère oppressante, entre cette incendie qui menace, le père absent, la mère dont le comportement devient soudainement étranger, et ce fils qui hésite, incertain quant à l’avenir, ne trouvant plus sa place dans le foyer ; rendant palpables le mal-être et la désillusion des personnages. Un bon roman, tout en subtilité, même s’il m’a personnellement manqué un peu d’émotion.
Ma note (3 / 5)
Éditions Points, traduit par Marie-Odile Fortier-Masek , 9 octobre 2008, 224 pages