
Résumé :
Lors d’un pique-nique au bord du lac Léman, Summer Wassner, dix-neuf ans, disparaît. Elle laisse une dernière image : celle d’une jeune fille blonde courant dans les fougères, short en jean, longues jambes nues. Disparue dans le vent, dans les arbres, dans l’eau. Ou ailleurs ? Vingt-cinq ans ont passé. Son frère cadet Benjamin est submergé par le souvenir. Summer surgit dans ses rêves, spectrale et gracieuse, et réveille les secrets d’une famille figée dans le silence et les apparences. Comment vit-on avec les fantômes ?
« Nous avons essayé de quitter le passé mais rien n’a bougé, tout est exactement là où nous l’avions laissé, il y a vingt-quatre ans, aussi net et brillant que des morceaux de verre. »
Mon avis :
J’avais beaucoup entendu parler de ce roman l’année dernière, ce qui a toujours pour effet de me rendre un peu réticente à entamer ma lecture. Ces journées d’été me paraissaient idéales pour m’y plonger, et si Summer n’a d’estival que son titre, ce roman est plutôt une agréable surprise.
Un jour dans son bureau, Benjamin est pris de crises de panique. Incapable de retourner au travail, ni même à son appartement, il s’isole de plus en plus, prend des narcotiques et décide d’aller consulter un psy. Tout semble lié à la disparition de sa soeur ainée Summer, près de vingt-cinq ans auparavant. Les rêves le hantent, pourtant il est incapable de se souvenir avec précision des événements de cette époque. C’est tout juste s’il sait qu’il s’est rendu à un pique-nique avec Summer et ses copines, et que sa soeur n’est jamais réapparue. En se repenchant, toutes ces années plus tard, sur ce drame, il va tenter de stimuler sa mémoire et de reconstituer la dynamique familiale de l’époque. Son père, charismatique, bruyant, autoritaire. Sa mère, sublime, distante et nostalgique. Summer, une jeune fille de 19 ans aux cheveux blonds, d’une beauté magnétique. Et enfin Benjamin lui-même, mal dans sa peau, bourré de tics et de complexes. Une famille très en vue, adepte des grandes soirées au bord du lac, mais également profondément détestée. Benjamin se plonge dans ses souvenirs d’enfance, ceux de ce fameux été où Summer a disparu, et ceux des années qui ont suivi, tentant de démêler le vrai du faux et d’obtenir des réponses.
« Je suis la preuve vivante que l’on peut vivre sans les êtres que nous aimons le plus, ceux-là même qui rassemblaient les milliers de fragments minuscules qui nous constituent. Ces êtres que l’on est terrifiés de perdre, parce qu’ils nous donnent la sensation d’être réels, ou du moins un peu moins étrangers au monde, et puis, quand nous les avons perdus, nous n’y pensons plus. »
C’est à la fois très poétique et assez angoissant. L’atmosphère de ce roman m’a un peu fait penser à ceux de Laura Kasischke, en moins abouti : une atmosphère moite, étouffante, baignée par les rêves et les souvenirs flous. Les visions successives d’un lac noir, plein de vase et de poissons aux yeux fixes contribuent à plonger le lecteur dans un certain malaise latent. L’eau est d’ailleurs omniprésente, que ce soit par la présence perpétuelle du lac Léman dans le champ de vision du narrateur, ou dans ses cauchemars où sa soeur lui apparaît au fond du lac telle Ophélie, ou même encore dans la fuite des canalisations de son studio miteux. Le personnage de Benjamin est assez réussi, sa psychologie reste un mystère tout au long du roman. Les descriptions de ce jeune garçon perdu, nerveux, isolé, malheureux de décevoir les attentes de son père, en adoration devant sa soeur, perplexes face aux mystères de la féminité, sont criantes de vérité. On a un peu plus de mal à comprendre l’adulte, qui vingt-cinq ans plus tard semble toujours errer dans la vie.
« Où sont les êtres que l’on a perdus ? Peut-être vivent-ils dans les limbes, ou à l’intérieur de nous. Ils continuent de se mouvoir à l’intérieur de nos corps, ils inspirent l’air que nous inspirons. Toutes les couches de leur passé sont là, des tuiles posées les unes sur les autres, et leur avenir est là aussi, enroulé sur lui-même, rose et doux comme l’oreille d’un nouveau-né. »
Un de mes plus gros points noirs concerne les réflexions sempiternelles sur l’absence et le deuil des personnes aimées. J’ai l’impression d’avoir lu quasiment les mêmes phrases dans bien d’autres romans, et ces raccourcis psychologico-philosophiques me semblent à force un peu trop faciles. Cela contribue, ainsi que les descriptions récurrentes du lac, à donner au récit une certaine monotonie, on a hâte que l’intrigue avance enfin. C’est pour moi une bonne lecture d’été, qui en quelques pages plonge le lecteur dans une ambiance très particulière dont il ne ressortira qu’à la toute fin du roman qui, sans être véritablement surprenante, était tout de même suffisamment déroutante pour satisfaire ma curiosité.
Ma note (3,5 / 5)
Éditions Livre de Poche, 2 janvier 2019, 288 pages