Mère et fille – Charles Palliser

Un jeune étudiant de dix-sept ans, Richard, rentre chez lui pour les vacances de Noël. Quelques semaines à peine après le soudain décès de son père, il retrouve sa mère et sa soeur ainée dans une demeure délabrée et inhospitalière, et toutes deux lui semblent particulièrement hostiles, ne cessant d’insister pour qu’il s’en aille. En réalité, il n’a nulle part où aller : il a été expulsé de l’université de Cambridge pour des motifs qu’il est déterminé à leur cacher. Mais il s’aperçoit bien vite qu’elles ont leurs propres secrets à protéger. Il décide d’écrire un journal afin de consigner tous les événements de ces journées passées à leurs côtés, d’autant que les mystères dans cette petite bourgade entourée de marais ne cessent de s’accumuler. Des lettres anonymes obscènes sont envoyées à toutes les femmes, des animaux sont atrocement mutilés, tandis que le village bruisse de rumeurs et de légendes locales, chacun observant son voisin et s’empressant de blâmer son immoralité.

« Je me demande combien de temps je serai capable de supporter ce trou perdu. Il y a quelques instants, quand j’ai soulevé un coin du rideau pour regarder à l’extérieur, je n’ai vu que le pâle éclat de la lune sur l’étendue argentée de boue et de vagues – si également plates qu’il est difficile de distinguer où finit la boue et où commence la mer. Rien. Pas une maison. Pas une lumière. »

Le roman, bien que publié en 2013, situe son intrigue en pleine époque victorienne, et s’inspire des premiers romans policiers de l’époque, tels ceux de Wilkie Collins ou bien de Mary Elizabeth Braddon. L’ambiance de la demeure est oppressante, malsaine, chargée de l’animosité régnant entre les membres de la famille. La narration sous forme de journal fonctionne à merveille puisqu’il est écrit par un jeune garçon de dix-sept ans, qui pose encore sur le monde un regard enfantin et naïf, en particulier sur les femmes, tout en étant préoccupé par ses fantasmes et ses propres démons intérieurs, faisant de lui un narrateur peu fiable dans l’ensemble, et contribuant de ce fait à épaissir le mystère et la sensation pour le lecteur que quelque chose lui échappe. Pour quelle raison la famille est-elle soudainement ruinée, réduite à habiter cette chaumière désolée ? Pourquoi sa mère et sa soeur tiennent-elles tant à ce qu’il parte ? Comment est réellement mort son père ? Quelles relations sa soeur entretient-elle avec les jeunes hommes du voisinage ? Les secrets jalousement gardés entre mère et fille se doublent de ceux entourant les autres habitants, qui semblent avoir des motifs de les tenir à l’écart de la bonne société.

« L’idée la plus étrange m’est venue : que nous avions essayé de nous barricader contre le danger, mais que ce faisant nous nous étions enfermés nous-mêmes avec quelque chose de fou, de dangereux, rempli de haine. »

J’ai beaucoup aimé ce roman, terriblement efficace et accrocheur, qui entretient à dessein la confusion, semant indices et mensonges au gré de l’enquête de Richard. Aucun personnage n’est véritablement sympathique, et la campagne boueuse et isolée accentue encore davantage une atmosphère glauque et morbide, réveillant les fantômes du passé, rappelant les cruelles injustices réservées aux femmes dans une société corsetée par sa prétendue moralité. Le titre original est à cet égard bien plus significatif : Rustication. Bref, un roman à l’atmosphère victorienne parfait pour l’automne !

Ma note 4 out of 5 stars (4 / 5)

Éditions Libretto, traduit par Christophe Mercier, 2 novembre 2017, 400 pages

3 commentaires sur “Mère et fille – Charles Palliser

  1. Très très tentant ! cela pourrait bien me plaire surtout que l’intrigue se situe à l’époque victorienne… encore mieux ! 😊
    Merci pour cette belle chronique et donc pour la découverte ! 🙂

Répondre à CélineAnnuler la réponse.