Mary Anne – Daphné du Maurier

Je ne pensais pas un jour pouvoir être déçue par la plume de la grande Daphné du Maurier

La romancière anglaise a donné à son livre une ambition intime : redonner vie à l’une de ses aïeules, Mary Anne Clarke, jeune fille issue des faubourgs de Londres et qui, déterminée à se faire une place dans le monde, devient courtisane puis maitresse du duc d’York, avant de chuter lorsque ce dernier l’abandonne. Mais la vengeance d’une femme bafouée peut être terrible, et Mary Anne marquera l’histoire par le procès scandaleux dans lequel elle témoignera. C’est l’histoire d’une femme perpétuellement déçue par les hommes : par son beau-père qui les abandonne dans la pauvreté lorsqu’elle est une petite fille ; par son mari, dont elle tombe follement amoureuse à quinze ans avant de déchanter lorsqu’elle réalise qu’il n’a pas un sou et qu’il dépense tout dans la boisson ; par ces hommes dont elle utilise les pulsions et la bêtise pour assurer un avenir à ses enfants ; par ce prince royal qui lui avait fait tant de promesses avant de la jeter dehors ; par ces politiques avides qui se serviront de son témoignage et de sa réputation dans leur propre intérêt sans la protéger ; et même par son frère chéri, Charley, qui persiste à être un bon à rien et à dépendre entièrement d’elle.

« Une femme seule affrontait une race d’hommes qui lui étaient hostiles parce qu’ils reconnaissaient sa valeur. Elle avait empiété sur leur domaine, leur chasse gardée. C’est pour cela qu’ils la haïssaient, c’est parce qu’elle s’était montrée leur égale. »

Le roman avait sur le papier tout pour plaire : une bonne intrigue, des personnages historiques fascinants, le début du 19e siècle en Angleterre, sur fond de royauté, de complots, de libertinage, de manoeuvres politiques et juridiques, et de féminisme. L’ensemble malheureusement ne fonctionne pas réellement, le livre est inégal, ne parvenant jamais à trancher entre la biographie et le roman, échouant à transmettre une quelconque émotion, et dépourvu de cette atmosphère si particulière au reste de l’oeuvre de Daphné du Maurier, pour diverse qu’elle soit. Surtout, j’ai trouvé que la plume (mais était-ce simplement la traduction ?) était prosaïque, répétitive et grossière, soit absolument pas ce que l’on pouvait attendre de cette romancière au style d’habitude si recherché et élégant. J’ai regretté l’absence de ses descriptions poétiques, de ses personnages attachants, du romanesque terrible attaché à toutes ses histoires et qui rend ses romans impossibles à lâcher. Sans doute la véracité historique a-t-elle empêché une plus grande liberté dans l’intrigue et l’étude psychologique qu’elle pouvait mener.

« La malchance était un méchant lutin, il fallait lui cracher à la figure, le combattre, l’écraser ; la fortune était une proie à saisir et à ne plus lâcher ; la vie, une aventure, une alliée et non une ennemie. »

Cela reste Daphné du Maurier, et je n’oserais donc jamais aller jusqu’à dire que ce roman n’a aucune qualité. Néanmoins, il ne faut pas s’attendre à quelque chose du niveau de l’immense Rebecca, Ma cousine Rachel, Le Bouc-émissaire, ou de ses romans captivants liés au monde de la mer (L’Amour dans l’âme, La crique du Français, Le Général du Roi...)

Ma note 2.5 out of 5 stars (2,5 / 5)

Éditions Livre de Poche, traduit par Denise van Moppes, 19 août 2020, 648 pages

4 commentaires sur “Mary Anne – Daphné du Maurier

  1. Ah mince ! j’hésitai à le lire un jour celui-là. J’ai beaucoup aimé « Rebecca » et « L’auberge de la Jamaïque » les deux seuls pour le moment que j’ai lu d’elle 😉
    Bonne journée !

  2. Je suis une grande fan de Daphné du Maurier : alors je vais quand même essayer mais sans doute en VO. Merci de l’avoir mis sur mon radar.

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